« LE REGET ET L’INCROIT »

 

 

                       Le «  réget » (l’instituteur), homme sévère, respecté.

Ses élèves le craignaient, lui répondant toujours à voix basse Cette crainte leur faisait parfois (ou souvent) appréhender l’école. Il représentait le savoir. Il était considéré comme le savant laïque républicain.

La plupart du temps, secrétaire de mairie ; sous cette casquette, il se révélait souvent comme le principal animateur du Conseil Municipal. Le maire, ayant en général peu d’instruction, ne faisait rien sans ses conseils. Les administrés s’adressaient d’ailleurs directement à lui pour régler leurs problèmes littéraires. Pour une grande partie des habitants, il faisait office d’écrivain public, rédacteur du courrier administratif et commercial. En contrepartie, il se trouvait pourvu à longueur d’année en bois de chauffage, légumes et viandes. Jusqu’au début du vingtième siècle, il portait une blouse grise pour donner ses cours. Sa tenue de sortie était celle du fonctionnaire de bon niveau, composée d’un pantalon et d’une redingote à quatre poches, de couleur beige et, pour « les régetes » une cape  plus foncée.

 

                    « L’incroit » (le curé), vêtu d’une longue soutane noire, portait au sommet du crâne la tonsure, un cercle rasé d’environ cinq centimètres. Il était le représentant et le porte parole de Dieu. Confident et confesseur, il savait tout sur la vie des villageois : leurs relations, leurs mauvaises actions (le péché !). Repère et  guide de la vie, il accompagnait les fidèles de la naissance (par le baptême obligatoire qui donnerait plus tard le feu vert pour le mariage) à la mort (par l’extrême onction). Au moment de ce dernier sacrement, rien ne devait lui être caché car la punition divine risquait de réserver un mauvais sort dans l’au-delà (les portes du paradis risquaient de ne pas s’ouvrir) ! Nul ne quittait ce monde sans ce laisser passer.

 Chaque année, durant la période pascale, la semaine sainte, appelée « les pâques », tout le village devait passer à la confesse. Celui qui ne se conformait pas au rite « des Pâques » était « un rouge » ! Pour être considéré et accéder aux responsabilités dans le village, il fallait être en règle avec toutes les exigences du « goupillon » !

On devait impérativement avoir sa chaise à l’église.

L’incroit, incontournable, tenait le registre d’état civil de l’église. Cela lui permettait de contrôler le degré de parenté dans les familles, afin de donner son aval pour les mariages : il publiait « les bans » (affiche apposée à l’entrée de l’église) permettant aux fidèles, connaissant un empêchement au mariage par rapport aux règles religieuses, de lui signaler.

     La domination de l’incroit sur ses fidèles occasionnait souvent une rivalité avec   le réget. Ils se disputaient la main mise sur la population, l’un revendiquant l’autorité de la paroisse, l’autre la commune !

                                                                                                                                                                 Pierre Dagand.