LA POINTE PERCEE

Chaîne des Aravis

 

 

Du haut de ses 2756m cette montagne, bien reconnaissable à son « ergot », domine élégamment la belle Chaîne des Aravis. Nous l’avons devinée au loin depuis le sommet du Mont Charvin ; elle nous a salués en voisine, en revenant du Lac de Peyre et du Jallouvre ; nous l’avons vu émerger, encore enneigée, par delà le Mont Lachat en gravissant la Pointe de l’Ovine ; nous étions tout près d’elle récemment, sans l’apercevoir, en montant au lac de Tardevant. Aujourd’hui 13 juillet 2005, nous décidons de l’approcher de plus près ! Après le Grand Bornand, une petite route conduit au Col des Annes perché à 1722m. Près du parking, une ferme presque aussi coquette que les deux restaurants voisins, propose ses tommes et reblochons. Les huit marcheurs du groupe laissent derrière eux ce paysage bucolique et verdoyant pour gagner là-bas ce monde minéral, grandiose et majestueux des Aravis.

Le sentier monte et descend, se faufile dans la végétation fleurie de rhododendrons et de toutes les fleurs de saison ponctuant la verdure de jaunes, de violets, de pourpres, de blancs… Puis il grimpe, contournant rochers, éboulis, blocs sculptés, ravinés, lapiaz de plus en plus nombreux s’étendant à perte de vue. Après le Col de l’Oulettaz (1925m), à 2164m le refuge Gramusset constitue une première étape ; chacun décide alors de poursuivre selon son souhait en fonction de sa forme. La traversée du grand plateau de lapiaz rappelle celle du Parmelan, mais bientôt la vastitude de ce monde étrange, tout de pierre gris clair aux taches bleuâtres, entraîne l’imaginaire vers une autre planète. Escortée de la Pointe des Verts, la Pointe Percée est là, devant, là-haut, énorme et droite ! Un grand pierrier rejoint un névé. Là commence l’ascension pour Maïté, Daniel, Pierre et moi.

D’abord en longeant la paroi et suivant scrupuleusement le balisage, prudemment, pas à pas des pieds et des mains, nous gagnons petit à petit de l’altitude. La roche parfaitement sèche permet une bonne accroche et les prises nombreuses ne sont pas trop espacées. Toute notre attention se concentre sur l’escalade. Encore une fois, l’aide, les conseils et la patience des chevronnés sont précieux ! Régulièrement, nous croisons des fêlés comme nous partis plus tôt ; leur mine réjouie encourage… De retour au refuge, Philippe de temps en temps nous appelle, tel le bon Monsieur Seguin rappelant la pauvre Blanquette ! (N’ai-je pas entendu Daniel dire de Maïté qu’elle grimpe aussi bien qu’une chèvre ? !...) Entre deux enjambées nous lui répondons. Le flanc de la montagne, creusé en cirque aux parois concaves érodées en gradins, forme comme une arène recevant et transmettant les voix avec une étonnante netteté. Pierre progresse en éclaireur, suivi de Maïté. Daniel en dernière position porte autant d’attention à mon escalade qu’à la sienne. Le soleil ne brille pas et le ciel pâle favorise une fraîcheur salutaire ; les efforts effectués au ralenti ne coûtent pas. Mais qu’il est haut ce sommet ! Pas question de se presser…. Enfin nous y sommes ! La croix est plantée sur un autre piton rocheux qu’il faudrait atteindre en descendant puis en remontant une faille étroite en arc de cercle. Le brouillard menace et masque en partie ce but ultime.

Il est déjà tard. Après la « photo témoin » nous entamons aussitôt la descente du retour. Pas question de l’aborder n’importe comment ! Tournant le dos à la vallée, à reculons, nous appliquons la méthode « trois points + un » (deux mains, deux pieds ; toujours trois points assurés et fixes pendant que le quatrième se déplace) ! Après le passage le plus délicat aux abords d’un névé, ravis, nous déballons le casse-croûte. De ce côté aussi le brouillard monte de la vallée. On ne s’éternise pas. Maïté et moi nous retournons et contemplons avec étonnement l’objet de notre «exploit ». Après le refuge, tandis que Daniel et Pierre pressent le pas pour rejoindre les amis, nous apprécions le chemin du retour et découvrons plein de fleurs non remarquées ce matin. Le bleu des myosotis est particulièrement éclatant.

Tout le monde se retrouve enfin et fait à la ferme provision de fromage. Le soleil brille. Les vaches retournent à leur pâture et nous à notre lac. Encore une merveilleuse journée inoubliable !

                                                                                                                                                        Ginette

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